(avec) Aliette de Panafieu




FATIGUE
Alibi trop pratique



Le mot fatigue, consensuel, est à la fois passe-partout et passe-droit, clé universelle et surtout prétexte à mille exonérations.

La fatigue offre une baguette magique pour
- la dispense de faire son devoir / sa part / son travail;
- l’autorisation de se plaindre / de dramatiser / d’obtenir des bénéfices secondaires fort séduisant;
- un visa pour rater / oublier / saboter en toute impunité;
- un agrément pour culpabiliser « les autres » : enfants, conjoint, collègues;
- la possibilité d’expliquer les manquements à ses responsabilités par la pression des circonstances de la vie moderne : stress, impôts, pannes domestiques;
- la croyance, dangereusement partagée par beaucoup d’entre nous, que la douleur, le surmenage ou la lassitude donneraient des droits notamment celui d’être sauvé sans en avoir fait la demande explicite ;
- la permission de cultiver l’inhibition, de choisir la résignation comme mode de vie, d’essayer et d’endurer en vain;
- le droit de gaspiller son temps, d’échouer sans vergogne et d’entreprendre sans motivations;
- la liberté enfin de plaider l’irresponsabilité.

La fatigue, cette excuse, est pratique parce qu’on peut y glisser, y cacher, émotions, demandes ou stress. Elle est si fréquemment employée qu’elle exige cette extrême vigilance.

À nous de commencer par interroger la nôtre avant de donner du sens à cette expérience de ralentissement ou de torpeur.

Que la fatigue soit signal entendu pour éviter d’être malaise chronique !