(avec) Aliette de Panafieu




(J’AI) MAL
Comme épreuve émotionnelle


Comment désigner cette             détresse, ce trou dans l’âme, cette paralysie soudaine ?

Quand je suis faché,
je parle de colère.

Quand je pleure,
je ressens chagrin ou tristesse.

Quand je suis heureux,
je reconnais la joie.

Quand je tremble,
pas de doute : le mot peur désigne à la fois l’émotion et la sensation archaïque.

Dans la surprise,
je sursaute.

Dans le dégoût,
j’ai un haut-le-coeur.

Mais quand j’ai mal ?

Quel substantif pour évoquer cette rupture de l’équilibre émotionnel ?
Lorsque « j’ai mal » rend compte d’une émotion davantage que d’une sensation, la blessure s’exprime par le cri, même retenu, plutôt que par la plainte ou le gémissement qui, eux, seraient le langage du sentiment de douleur.

J’associe « j’ai mal » plus à une brûlure qu’à une courbature. C’est alors un pincement, une piqûre, un crève-coeur, c’est à dire une attaque aussi soudaine que profonde.

Ce n’est ni le supplice d’une migraine qui se prolonge, ni la torture d’une rage de dents, ni la souffrance d’une angoisse qui s’installe, lancinante, invasive.

C’est une déchirure, un choc à la fois cuisant et cinglant, une épreuve soudaine comme la flèche et fatale comme le coup du poignard dans l’intégrité affective.

Court-circuit émotionnel, séisme de toute la vie, raz-de-marée personnel, « j’ai mal » est bien l’expression d’une émotion spécifique.