(avec) Aliette de Panafieu




MALHEUR
Comme épreuve existentielle


C’est l’expérience soudaine et universelle du désespoir, c’est à dire de la fin du monde, de mon monde.
La parole est alors transformée en cri, en plainte, en gémissement.
Le cœur s’arrête, la tête se vide, le corps se paralyse.

Qu’elle soit associée à la surprise de la trahison, à la peur de l’abandon ou à la colère devant une injustice, cette détresse est distincte de chacune des autres émotions.

Elle est distincte aussi de la sensation  : piqûre, coupure, brûlure – et du sentiment de douleur qui, lui, s’est installé en même temps que le mal se prolongeait. 

On parle de crève-cœur, on se représente le cœur en mille morceaux, ou bien, par analogie avec la trace laissée par une arme à feu, on se figure un trou dans l’âme.
Le coup est cuisant, cinglant.
L’épreuve est cruelle.
L’hostilité du monde surgit comme un raz-de-marée qui menace de tout ensevelir.
La secousse fait tout voler en éclats.
Le choc provoque un court circuit émotionnel, un séisme dans ma vie, une soudaine proximité avec la mort : je trébuche, j’ai le vertige, je suis en apnée et je ne sais plus ni ce qui se passe, ni ce que je dois faire, ni comment le faire.

Je bascule dans un monde inconnu, effrayant et injuste.
Je ferais n’importe quoi pour calmer ce feu.
Je donnerais tout pour que cette torture prenne fin.
Je suis prêt·e à vendre mon âme pour être délivré·e.