(avec) Aliette de Panafieu




PARLER  
Mais pas trop !



Je suis héritière d’une culture où la discretion prévalait sur la confidence. La réserve était à la fois gage de respect et de bonne éducation. Le secret avait comme fonction de protéger des vérités contraires à la morale, à la sensibilité ou à la vie sociale. Puis est arrivée la vague « tout dire », le salut par la parole.

Les mots sont vecteurs de relation, d’énergie, d’émotions et donc de santé. De la sphère privée, cet impératif a gagné la sphère publique et les choses se sont gâtées.

Je remets en question une recommandation qui prendrait la force d’un diktat, au risque de violenter l’intimité.

Je conteste un principe qui nous priverait de jugeote et de responsabilité.
Oui, il est important de me donner la permission de m’exprimer mais à quel moment me suis-je contrainte à le faire sous prétexte de la croyance que « dire serait préférable à ne pas dire » ?

C’est la question de la double permission : pour être libre de parler, encore faut-il que j’aie le choix, c’est à dire la liberté de ne pas parler, que je sois capable de discernement, que je prenne en compte mes interlocuteurs, les circonstances, les codes en vigueur, les enjeux et bien sûr le prix à payer pour oser une parole, cette parole.

Oui, j’insiste, il y a un risque que la liberté de parole devienne une obligation et donc la prison de la dépendance.

Mon constat : nous parlons trop pour de mauvaises raisons : culpabilité, volonté d’être compris·e ou excusé·e… et nous restons muets quand il serait juste d’intervenir, de protester, d’incarner une présence responsable.

Ai-je la légitimité de ne pas dire pour avoir la liberté de dire ?