(avec) Aliette de Panafieu




PUDEUR
Sentinelle de l’intimité


Voile limitant le regard;
frontière interdisant l’intrusion;
séparation autorisant la séduction, sans fusion;
enveloppe faisant du territoire secret un lieu sacré;
barrière organisant l’espace social et collectif;
opacité évitant les dangers de la transparence et les risques de la honte.

La pudeur est un besoin universel. Comment est-elle exprimée et respectée selon les époques, les pays et les lieux ?
Au XIXe en occident, elle est imposée comme corset vertueux.
En 1968, confondue avec la pruderie, elle est brûlée comme frein aux libertés.
Dans les pays nordiques, la nudité est compatible avec la délicatesse de la pudeur : le regard a été éduqué au respect.

Qui a hésité à entrer dans un hammam ou un sauna ?
Les voyages nous apprennent la nécessaire réserve dans le choix des mots pour éviter de choquer ou de brusquer un cadre de référence étranger.

La pudeur est objet de débats :
elle illustre le mouvement de balancier des sociétés. Tantôt moquée quand ses excès contrarient les codes sociaux (puritanisme), tantôt disqualifiée quand elle ne remplit pas sa fonction de réserve et de protection (exhibitionnisme et voyeurisme).

La pudeur comme construction sociale et culturelle.
Comment, alors, intérioriser ce besoin en dépit des pressions de la publicité et des contradictions des débats publics ? Comment accueillir cette peur d’être confondu, dévoré, assimilé, objectifié ? Dans notre héritage culturel, comment la réhabiliter comme sensibilité, au-delà des consignes de tact et de politesse ?

Elle est gêne réciproque quand elle hésite;
elle est confiance mutuelle quand elle est vivante;
elle est condition de liberté et d’altérité.

Ce filtre précieux évite à la confidence d’être confession;
à l’audace d’être impertinence;
à la surprise d’être provocation.
La proximité n’est alors jamais promiscuité.

La pudeur protège l’être comme la loi protège l’avoir.