(avec) Aliette de Panafieu




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Secret

ou le suspens du dévoilement
Qui joue à cache-cache ?

Un chemin de thérapie
Une clef majeure dans mon travail de thérapeute, c’est le secret qui traverse les générations d’un clan familial.
Comment décoder les héritages inconscients ?
Ces secrets, murés dans la cave, ni oubliés, ni exprimés, figent l’énergie.
Lorsqu’ils accèdent à la conscience, ils apparaissent à ceux qui les portaient sans le savoir comme une évidence et une libération.
Cette démarche permet d’accepter la complexité de ce qui est vécu sans tomber dans la culpabilité, tout à coup hors de propos.

De l’hypothèse du secret au secret dévoilé
Très tôt dans ma pratique, le secret s’est imposé comme un fil conducteur privilégié. C’est toujours pour moi un véritable choc d’entendre une personne raconter quelque chose de complètement invraisemblable sans être consciente de l’incohérence de ses propos. Le secret non dit à la génération précédente resurgit là, de façon anachronique mais non délirante, dans une sorte de volonté incontrôlable de dire le secret.

J’ai d’abord fait le constat de la réorganisation immédiate que permet la levée du secret. Puis je me suis aperçue que l’hypothèse même d’un secret provoquait déjà une transformation. Même si je ne sais pas ce qu’il est, je sais qu’il y a secret : quelque chose se restaure. Si nous prenons l’image du puzzle, au lieu de forcer tout le jeu pour mettre une pièce qui n’a rien à voir avec les autres ou bien de les rogner toutes pour qu’elles s’emboitent tant bien que mal, sans qu’aucun vide n’apparaisse, je laisse place à celui-ci.

Cette hypothèse du secret permet une remise en route, une réappropriation de sa vie.

Nous sommes maillons, ni plus, ni moins
Le secret va au delà de ce que Freud propose : il permet d’ouvrir l’histoire de la famille au lieu de rester cramponné à papa-maman. Se sachant maillon, il s’agit de mettre à plat la carte de la famille. C’est un chemin d’humilité, le contraire de la toute puissance : je ne suis pas la cause de tous mes maux, ni de ceux de mes enfants … Tout à fait à l’opposé du fameux « Madame, vous êtes la mère après tout … ».

Les lieux du secret

Le secret a toujours à voir avec la honte, c’est à dire la peur d’être exclu d’une appartenance familiale ou sociale, d’être interdit d’identification à une personne admirée.

C’est pourquoi les secrets concernent surtout la filiation (naissance illégitime, conception en dehors du mariage), la sexualité (inceste, relation hors mariage, homosexualité), la guerre (collaboration, trahison), la maladie mentale (internement en hôpital psychiatrique).

Ce qui est remarquable aujourd’hui, c’est la façon dont on soulève les secrets, dont on commence à parler de l’inceste, du harcèlement, des abus sur mineurs, des agressions sexuelles ou de la violence intrafamiliale.

Par ailleurs, de nouveaux secrets apparaissent : je pense à tous ceux qui relèvent de la procréation médicalement assistée.

La recherche du secret au cours d’une psychothérapie est un outil parmi d’autres. Un sentiment de honte prolongé est une indication supplémentaire de l’opportunité de cette recherche.

Soit elle se met en situation d’avoir honte au quotidien pour cacher une honte majeure. Soit elle éprouve une honte tout à fait injustifiée : en fait, elle fait l’expérience chez les vivants d’une honte qui appartient aux morts. Le risque serait de vouloir chosifier le secret. Ce serait encore pétrifier son histoire comme si les mots l’entrainaient chez les morts. Ce qui est important, c’est moins de connaître le contenu du secret que de savoir qu’une pièce du puzzle manque : on peut ainsi faire l’économie de l’incohérence.




Le secret comme chemin thérapeutique

Ce qui apaise, ce qui remet en route, ce qui permet une relation avec les vivants, c’est de savoir qu’on a besoin d’entendre quelque chose des morts. Même si on ne sait pas ce qu’ils disent, il y a parfois une chance de pénétrer le secret. Au fil des générations, il se transforme et laisse une trace de plus en plus étrange, de plus en plus décalé par rapport au contenu initial. Ce qui est important c’est de sortir du mensonge et de trouver un nouvel espace pour vivre.

Chercher le secret, c’est à la fois une enquête et son contraire. C’est à la fois le but et le voyage qui sont intéressants. C’est le chemin vers le secret qui fait bouger et qui fait rencontrer les gens de sa famille, vivants ou morts.

La route, celle du doute, de la remise en question de la relation à ses parents, ses grands-parents, ses arrière-grands-parents, c’est elle qui est thérapeutique. Cette démarche redonne un tout autre sens au mot secret. Il n’est plus ce qui a dû être caché mais devient ce qui permet une rencontre. Sa fonction est de créer un autre réseau entre les personnes. Cette démarche réhabilite le secret.







Les fantômes, ce ne sont pas les trépassés qui viennent noushanter mais les lacunes laissées en nous par les secrets des autres.
Nicolas Abraham