(avec) Aliette de Panafieu




VÉRITÉ
Ses dangers


Devant un tribunal, elle est exigée. On jure qu’on dira la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Chez le médecin, elle permet un juste diagnostic et de meilleurs soins.
Chez le banquier, elle n’offre pas autant de garanties.
Chez le notaire, la question est plus complexe.

Pour l’artiste, le poète, le romancier, quelle est son importance ? Son rôle ? Sa possible cohabitation avec la fiction, l’imaginaire et la création ?
Comme le patineur, le surfeur, le maçon, l’architecte, lui, doit privilégier le principe de réalité à la vérité.
L’artisan laisse au philosophe la mission d’en débattre. La question est moins « vrai ou faux ? » que « réaliste ou non ? ».
Oui, l’intellectuel en fait un objet d’études jamais épuisé et donc un objet permanent de débats.
Le photographe s’en méfie.
Le boulanger s’en fiche plutôt, il a lui les mains dans la réalité de son levain.

Qui a pensé nous dire, quand nous étions enfants, que nous avions le droit de ne pas tout dire, de ne pas dire, voire de mentir ?
Qui nous a permis de distinguer « mentir » c’est-à-dire

« se protéger » de « manipuler »

c’est-à-dire obtenir de l’autre ce qu’il ne voulait ni dire, ni donner, ni prêter ? Qui en a fait un absolu, le plus souvent pour garder un pouvoir sur nous, enfants puis adultes ?

Je lis parfois : « la vérité rend libre ». Peut-être, en effet.

Mais si parfois, c’était l’inverse... Et si cet impératif creusait l’ornière d’une dépendance à l’autre, à un principe au détriment de la jugeote.

Quelle porte ouvrir pour la trouver, la défendre, la contester ?